L'école de tarot de Vincent Beckers
Vincent Beckers vous fait découvrir le tarot sous ses aspects symboliques et psychologiques, afin de vous aider à mieux vous connaître et vous comprendre, au travers de ce merveilleux outil de développement personnel que sont les cartes du tarot de Marseille.
La carte du Soleil du tarot : aspect symbolique,
par Vincent Beckers
Symbolique de la carte du tarot Force, par Vincent Beckers, extrait du tarot symbolique, tome 2, volume 2
Multiples points d'entrée pour la symbolique de l'eau dans le tarot.
J'ai choisi comme extrait : l’eau du déluge
Des déluges mettent un terme à des cycles de création antérieurs et anéantissent des formes de vie qui n’agréaient pas / plus aux dieux.[1]
Cycle, création, dieu … on retrouve tout cela respectivement dans la roue, l’eau et le sphinx/sphinge.
Le fait que le mouvement de la roue soit anti-horlogique marque une involution, un retour en arrière pour un grand nettoyage. Déluge.
OK, me diras-tu, but so what ? En quoi cela est-il intéressant ?
Je te dirais bien qu’en 10/ Roue, on nous présente la carte du tarot avec le plus d’animaux. Et que, par conséquent, nous pouvons voir une allusion au déluge biblique. Et Noé, homme éclairé deviendrait 9/Hermite. Mais tout cela demeure relativement pauvre pour la mythologie du déluge, un des mythes les plus universels et fondateurs.
Allons chercher une autre citation, prise dans le mythe de Gilgamesh, le plus ancien mythe de l’humanité, dont l’Histoire a retrouvé une trace écrite.
Voici donc le récit du Déluge mésopotamien raconté par Atrahasis ou Uta-Napishtim.
« Cet homme fit le récit à Gilgamesh de la colère
des grands dieux, qui avaient voulu dépeupler
la Terre parce que les hommes, de plus en plus
nombreux, faisaient un vacarme étourdissant
qui empêchait les dieux de se reposer.
Cependant, le dieu Ea des eaux souterraines,
protecteur des humains, avait trahi les autres
dieux en prévenant en songe son ami
Atrahasis, en lui enjoignant de construire
une arche étanchée au bitume et d'embarquer
avec lui des spécimens de tous les êtres vivants.
À peine l'écoutille avait-elle été fermée que Nergal
arrachait les étais des vannes célestes, et que
Ninurta se précipitait pour faire déborder
les barrages d'en-haut. Adad étendit dans le ciel
son silence-de-mort, réduisant en ténèbres
tout ce qui avait été lumineux ! Six jours et sept
nuits durant, bourrasques, pluies battantes,
tonnerre, éclairs et ouragans brisèrent la Terre
comme une jarre ! Les dieux eux-mêmes étaient
épouvantés : prenant la fuite, ils escaladèrent jusqu'au ciel d'Anu où, tels des chiens, ils demeuraient pelotonnés.
Le septième jour, la mer se calma et s'immobilisa, et l'arche accosta au mont Nishir. Atrahasis prit une colombe et la lâcha ; la colombe s'en fut, mais elle revint. Plus tard, il prit une hirondelle et la lâcha ; l'hirondelle s'en fut, mais elle revint.
Enfin, il prit un corbeau et le lâcha ; le corbeau s'en fut, mais ayant trouvé le retrait des eaux, il picora, croassa, s'ébroua, et ne revint pas. Alors, Atrahasis dispersa aux quatre vents tous les spécimens des êtres-vivants qui se trouvaient encore dans l'arche, et fit un sacrifice.
Lorsqu'il constata, après le cataclysme, que ses plans avaient été déjoués, Enlil retrouva néanmoins son calme, car il avait fini par comprendre que la disparition des hommes aurait ramené à la situation qui avait conduit à leur création.
Il accorda l'immortalité à Atrahasis, mais fit en sorte que les hommes troublent désormais moins la quiétude des dieux, en diminuant la durée de vie des humains, en introduisant les maladies, la stérilité, etc. »
Tu retrouves évidemment ici ce que ta culture judéo-chrétienne a toujours entendu, à savoir l’histoire de Noé.
Sans surprise. Et au risque de me répéter, les chrétiens n’ont (presque) rien inventé. Ils ont repris et mis au goût du jour les Traditions orales connues alors.
Le mythe du Déluge est omniprésent dans la spatio-temporalité. Il s’agit du mythe le plus répandu dans l’histoire des Hommes. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, ce sont tous les terriens, quelles que soient leur couleur, ethnie, religion et croyances, qui ont donné du sens à leur vie et au monde dans lequel ils vivaient, par la notion de déluge.
Le déluge se retrouve entre autres :
-
chez les Egyptiens, lorsque Rê qui envoie Sekhmet pour punir les hommes
-
dans les trois religions du livre, avec Noé, dont le récit est quasi identique chez les chrétiens, hébreux et musulmans
-
le déluge de Deucalion, dans la mythologie grecque
-
les adeptes du new age se passionnent pour Platon et l’Atlantide, autre version du Déluge
-
at last but not least, le déluge dans le Popo Vuh, dans l’histoire maya. Fans du grand chambardement du 21/12/ 2012, cela vaudrait peut-être la peine de te pencher sur le sujet. Enfin, je dis ça, mais au moment où tu me liras, il sera peut-être trop tard, hi, hi, hi.
Si le sujet t’intéresse, je ne peux que te renvoyer vers les remarquables (et à mes yeux, non encore égalés) recherches de M. Eliade.[2]
Si je le décline dans le tarot, j’aurais ceci :
Et si je le lis sous l’aspect du développement personnel, je dirais :
15/ Diable, stade où je suis dans mes assuétudes, mes dépendances. Epoque de ma vie où je stagne, enfermé dans mes schémas schizoïdes et paranoïaques. Bon, j’emploie des gros mots. Je le redis : c’est le stade où je me sens mal dans ma peau, c’est l’époque durant laquelle je vis en couple avec une personnes que je n’aime plus et qui me fait du mal. Par exemple. Ca va mieux, tu me suis ?
16/ Maison, devient le moment où la vie me rattrape, où mon corps me donne un signal (la couleur dominante en 16/ Maison est bien la chair, autrement dit, moi, mon corps, mon incarnation). Signal qui sera sous forme de maladie, accident, grand chambardement social, professionnel ou familial. Evénement qui me tombe-comme-ça-soudainement, sur la tête (couronne décapitée), sans que j’aie rien vu venir.
Rien vu venir ? Enfin, disons que l’aveuglement produit par le fait de tellement loucher (yeux en 15) sur ma situation dans laquelle j’étais engluée (diablotins de 15), m’a empêché de voir clair !
Bref, le dieu en moi, se manifeste. Et ça bouscule. Tout ! De façon radicale, puisque j’en suis décapité et que tout sort de mon corps (tu apprécieras ma pudeur, j’aurais pu être plus gore dans ma description de ce qui sort de la maison …
Du coup, nous entrons dans une période de grand nettoyage, de purification, de lavements : 17/ Etoile.
On se refait une santé, on se débarrasse de ce qui ne va pas / plus (mise à nu de 17).
On admet qu’on s’est fourvoyé, qu’on a été pris par de mauvais choix, des personnes néfastes pour nous. Et on se réconcilie avec nos énergies et notre corps.
Pour ensuite, 18/ Lune, stagner un long moment, pour laisser moisir, pourrir, mourir, décomposer, ce qui doit l’être.
Bas de la carte.
On affronte nos démons intérieurs, qui n’hésitent pas à venir nous tarauder une dernière fois, cris de la bête blessée qui lutte pour sa survie.
Milieu de la carte.
On se laisse attirer par le plus haut, le plus grand,
le plus noble en nous. Ca, c’est pour les laïcs.
On répond à l’appel de EPLH, de Dieu,
du monde des énergies.
Ca, c’est pour les croyants.
Mais dans les tous les cas, c’est le haut de la carte,
c’est la lune, c’est le passage, le changement de cycle.
C’est Athrasis qui lâche ses volatiles.
Réconcilié avec nous-même et le monde,
nous pouvons enfin (re ?) démarrer une
nouvelle vie, entamer notre vrai chemin,
trouver notre voie : 19/ Soleil et 20/ Jugement.
En nous souvenant cependant que cette étape
n’a pu être atteinte que grâce au Déluge,
à la souffrance de la remise en question,
et à l’engloutissement de ce qui devait être
nettoyé et purifier en nous.
Le Déluge, c’est mourir pour se débarrasser
de ce qui doit l’être.
Le Déluge, c’est le nettoyage à grandes eaux.
Et cela fait des dégâts, on laisse des cadavres derrière nous.
Voilà pour une lecture à niveau 2, de la notion de Déluge.
Tu n’as plus qu’à aller acheter un tonnelet de Dash ou Ariel.
[1] M.Cazenave, Encyclopédie des symboles, ed. Poche, p.207
[2] M. Eliade, Histoire comparée des religions, mythes et croyances, ed. Payot